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Obsolescence, oui mais programmée, non et non.

16 Février 2011 , Rédigé par C

Ma grand-mère paternelle, qui ne manquait pas de ce bon sens paysan, me disait, déjà au siècle dernier, que ce qu’elle achetait était bien moins solide « qu’avant ».
On avait vite fait de tomber dans la querelle des anciens et des modernes et de reprocher à « nos vieux » de n’être pas à la mode ; or, voici, qu’une fois devenu « vieux », je ne cesse de faire le même constat et ceci depuis plusieurs années maintenant.  

 

Etait-ce de l’innocence, de la candeur, de l’ingénuité ou plus grave à mes yeux, de l’ignorance due à mon manque de curiosité ou, plus grave encore, une absence de réflexion et d’esprit critique mais il a fallu un reportage d’Arte, hier soir, pour que mes yeux se dessillent et que je rende grâce à mémé Thérèse !

 

D’autres, il est vrai, essayèrent, en vain de me faire partager leur certitude en m’affirmant, par exemple que la qualité et la durée d’un article n’étaient plus en rapport avec son prix de vente ; ainsi on entend, de plus en plus, que la durée de vie des produits diminue et que la bonne vieille bêche de jardin est encore solide quand c’est la troisième qui se tord depuis que je les achète chez Madame Bricolage ou Monsieur Jardinage !

 

Qui n’a pas jeté à la décharge un lave-linge ou un lave-vaisselle parce qu’une fonction (entrée de l’eau, chauffage ou rinçage) défaillante bloquait tout le système, et alors que tout le reste (cuve inox !!! Pompes, carcasse…) était à l’état neuf ?

Qui n’a pas jeté un four de quelques années que personne ne peut ou veut réparer parce qu’on ne trouve plus la résistance adaptée et qu’un four neuf ne coûte, soi-disant, pas plus cher et que celui de mémé Thérèse fonctionne encore si bien ?

 

Qui n’a pas eu connaissance que la batterie au lithium de l’iPod d’Apple (à quand l’iPAC - Piège A Cons-) avait une durée de vie de dix-huit mois et que l’on n’en trouvait pas au détail, ce qui obligeait à changer d’ustensile ?

 

Aujourd’hui, nous savons que les facteurs qui contribuent à limiter la durée de vie des produits ne sont pas fortuits mais organisés, c’est ce que l’on nomme « l’Obsolescence programmée » !

 

Le suréquipement des ménages conduit, cependant, à toujours plus de renouvellement (l’exemple même est le PC dont on nous dit qu’il est obsolète au bout de deux ans !), l’offre d’appareils électriques et de petit électroménager très peu utilisés et pas toujours nécessaires comme les pierrades, les appareils à fondue, à raclettes, les friteuses, sorbetières, yaourtières, les robots de tous ordres (mais faire la liste de tous ces gadgets qui restent dans un placard presque toute l’année serait fastidieux) qui sont de plus en plus équipés d’affichage digital, de petite électronique les rendant fragiles et multipliant les pannes, tout cela contribue à un gaspillage des ressources naturelles et à une augmentation exponentielle des déchets.

 

Mais ce qui m’intéresse, aujourd’hui, c’est que l’obsolescence est PROGRAMMEE, PLANIFIEE, ASSUMMEE par une stratégie au sein même de l’entreprise et que l’on demande à l’inventeur, au concepteur, dans le cahier des charges de penser un produit, dès sa conception, en fonction de sa durée de vie limitée et contrôlée !

Voici donc l’histoire de « l’Obsolescence programmée ».

 

Il était une fois une Terre habitée par des homo sapiens sapiens.

Comme dans l’histoire des Trois petits cochons, l’homme construisait, fabriquait pour que cela dure : ainsi comme l’acier remplaça la pierre taillée et polie, la pierre remplaça le bois de construction, et, après un bond dans le temps, vint la révolution industrielle et le modèle productiviste.

 

L’entreprise produit, crée des emplois et le système capitaliste dans son apogée donne du travail aux ouvriers, absorbant l’exode rural vers les grandes villes et tout le monde y trouve son compte.

 

Mais rapidement puisque Alexis de Tocqueville l’écrit déjà en 1840, il faut générer une vente en volume et pour cela raccourcir le cycle de remplacement. Cela s’impose puisque Ford a inventé la voiture inusable, tel autre l’ampoule éternelle (une de ces ampoules brille dans une caserne de pompier à New-York depuis plus d’un siècle si l’on en croit le reportage d’Arte et si on fait confiance à l’honnêteté de l’information), tel autre les bas indémaillables, tel autre le textile inusable…

 

Les techniques sont alors développées non pas pour pérenniser un produit mais pour en contrôler la durée de vie ; dès 1920 on modifie le filament des ampoules pour les fragiliser (voir le cartel Phoebus), puis le bas qui file rien qu’en l’enfilant, et plus tard le briquet jetable…

Dans les années 50, on décide de créer l’obsolescence de l’opportunité et de la fonction, c’est l’avènement du « désign »popularisé par Brooks Stevens qui consiste à donner envie à l’acheteur de posséder quelque chose de plus récent.

 

Ce qui, en pleine crise économique, dans les périodes d’après-guerre et dans un contexte où les ressources sont considérées comme illimitées, peut se comprendre.

D’un bon sentiment, puisque favorisant le développement de techniques nouvelles devant remplacer les anciennes, on passe, insensiblement, au vol organisé.

 

L’imprimante qui a sa puce informatique intégrée pour qu’elle cesse de fonctionner après un certain nombre d’heures (gare à ceux qui laissent leur téléviseur, leur ordinateur branchés en permanence), l’ampoule fabriquée pour briller un certain nombre d’heures, l’automobile dont le seul fait d’ouvrir électriquement son bouchon de réservoir d’essence entraîne le changement obligatoire du liquide de régénération du pot d’échappement, la puce dans la cartouche d’encre d’imprimante qui arrête le fonctionnement alors qu’il reste de l’encre (et que l’on peut encore tromper, mais pour combien de temps, en enlevant et remettant la cartouche),  et de nombreux autres cas qui font de l’industrie moderne le champion de l’obsolescence programmée comme, par exemple, tous les produits moulés en plastique qui fait que lorsque deux des trois diodes d’une lampe de poche à dynamo, vendue pour éviter les batteries, est grillée, vous pouvez jeter la lampe !

 

Ces techniques pour diminuer la durée de vie des produits ont été mises au point pour écouler des stocks mais aussi pour vendre de l’illusoire, de l’inutile, du superflu.

Elles avaient été élaborées dans une période où les ressources naturelles semblaient illimitées, mais, aujourd’hui, le fait qu’elles perdurent et même qu’elles se développent, les rend contre productives puisqu’elles contribuent au pillage de la planète.

 

Le combat commence :

 

-          nous devons, à minima, exiger que lorsqu’on vend un produit, l’acheteur soit informé sur sa durée de vie ; le choix ne se fera plus seulement sur la consommation en électricité ou en carburant et le dégagement de CO2, mais sur le rapport durée-prix ; les entreprises éthiques seront celles qui proposeront des produits dont le prix est justifié par la durée de vie alors que de nos jours de « grandes marques » produisent à l’étranger des produits qui ne valent pas le prix qu’elles en demandent.

 

Aujourd’hui, pour acheter en minimisant les risques, certains acheteurs prennent des extension de garanties qui coûtent très cher ; je suis personnellement choqué que pour l’achat d’un article ménager neuf, on propose une extension de garantie car le vendeur sait que son produit « tiendra » pendant toute la durée de l’extension et donc il joue sur la peur de l’acheteur et encaisse une plus-value indue sur le produit ; la preuve ? C’est la réponse que donne une enseigne à une question des Amis de la Terre et qui prouve que, pour que le produit soit réparable, il faut s’être acquitté d’un surcoût :

 

« L’extension de garantie est avant tout un confort et une assurance pour le client mais il (sic) permet aussi de prolonger le cas échéant la durée de vie du produit.

 

            A la même question, une autre enseigne répond :

 

« Si une extension de garantie est proposée sur le produit en question, cela signifie que notre Enseigne a une totale confiance dans les gammes de produits commercialisés », c’est la preuve par neuf que l’enseigne connaît la durée de vie du produit sinon elle ne prendrait pas ce risque mais que ça ne l’empêche pas de nous taxer pour l’improbable.

 

 « L’extension de garantie est un moyen pour le client de pérenniser son investissement quel que soit le niveau d’intensité d’utilisation de son produit », ce qui est pour une troisième enseigne française le comble de l’hypocrisie ; en effet ils connaissent la durée de vie testée pour un réfrigérateur qui marche 24h/24, ce qui ne les empêche pas de proposer l’extension.

 

Moins scrupuleuse est la réponse de la quatrième qui qualifie l’extension de « service de tranquillité » comme si, pour être « tranquille » lorsqu’on achète un produit neuf garanti, il faut le payer plus cher que son prix qui est déjà surévalué !

 

Voilà une utilisation à des fins commerciales, assimilables à de la tromperie, de l’obsolescence programmée.

 

-          nous devons réhabiliter la réparation qui ne pouvant être robotisée, permettra de créer des emplois dans la maintenance.

 

-          nous devons exiger que le bénéfice environnemental et social de l’allongement de la durée de vie soit un enjeu prioritaire pour éviter, le plus possible, les déchets et le gaspillage.

 

 

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