Rupture.
Dans mon enfance, j’allais souvent m’asseoir, tout seul, sur les branches basses du platane de la source au-dessus du bassin mousseux et des presles.
Là comme Chrysès, je trouvais un plaisir ineffable à me confier aux étoiles.
Les feuilles tremblotantes bercées par un vent léger qui montait du vallon, me cachaient, par intervalles, le firmament et le faisait changer devant mes yeux, renouvelant sans cesse le spectacle du crible stellaire.
Il est aisé d’imaginer que l’indifférence qu’ont les hommes pour leurs semblables encourage ce genre d’attitude et que de se retrouver dans la fourche d’un arbre, seul, frileusement recroquevillé et le regard tendu vers la voûte céleste, engage à aimer la nature et à s’y trouver mieux qu’au milieu de la ville tentaculaire.
C’est exactement, un demi siècle plus tard, le sentiment, la sensation, l’émotion, l’émoi, le trouble que j’éprouvais, il y a quelques jours, allongé sur le pont d’un bateau dans un lagon des îles Maldives.
Ici, point de pollution lumineuse hormis celle de la lanterne en haut du mât principal qui n’est qu’une étoile de plus qui se balance au gré d’une houle si délicate et si déliée qu’on se prend à penser qu’elle prend naissance dans quelque grotte sous-marine où logent les sirènes.
Les mâtures, qui se vêtirent lentement de longues robes noires, m’isolaient du reste du bateau et me protégeaient contre toute intrusion ; au fond de cette propice obscurité, mon âme vagabonde pouvait, à loisir, s’évader dans les limbes. Toute réflexion ou toute pensée confuse n’a plus droit de cité dans ce monde du silence. Y a-t-il, dans le monde, un endroit plus tutélaire, plus bienveillant que celui qui, ce soir là, berçait mon cœur d’une langueur éternelle.
Il faut beaucoup d’éloquence pour trouver les mots qui peignent le mieux l’état de grâce dans lequel je me trouve, le temps est suspendu, les mots n’ont plus d’importance seule persiste la gravité dans laquelle vous plonge ce moment de charme.
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)
